PASSE vers l’insertion professionnelle des jeunes
Rebonds! a créé son pôle insertion professionnelle en lançant le PASSE, Parcours Accompagnement Social Sport Emploi, en janvier 2019. Une équipe de quatre salariés a été recrutée pour mener à bien le projet : Widdy Benamou, coordinateur pédagogique – Clément Fiche, coordinateur sportif – Ségolène Labbé, formatrice et Conseillère en Insertion Sociale et Professionnelle (CISP) – Boris Choukroun, chargé de mission. L’objectif : remobiliser 80 jeunes en rupture vers la formation ou l’emploi sur l’année en utilisation le sport comme pilier de l’accompagnement professionnel.
Le PASSE a été lancé fin janvier 2019, pouvez-vous présenter le dispositif ?
W.B. : Le PASSE, Parcours Accompagnement Social Sport Emploi, est un projet co-financé par le Fonds Social Européen dans le cadre de l’Initiative pour l’Emploi des Jeunes, qui vise à remobiliser les 16-25 ans NEET* vers l’emploi et la formation. La particularité de ce dispositif est que l’on se base sur le sport pour remobiliser ces publics puisqu’en construisant le projet et en travaillant avec les entreprises, nous nous sommes rendus compte que ce qu’attend un recruteur d’un jeune aujourd’hui, c’est avant tout des savoir-être. Le sport est donc un outil qui permet de travailler sur l’acquisition de compétences comportementales, les soft-skills, par exemple l’esprit d’équipe, le dépassement de soi, le respect du cadre… Ensuite, on aide les jeunes à remettre en pratique toutes ces compétences dans le cadre du milieu professionnel.
C’est vraiment un dispositif pluridisciplinaire avec le sport comme outil principal et tout autour plusieurs ateliers qui vont favoriser
l’employabilité du jeune.
*Anglicisme signifiant que les jeunes ne sont ni scolarisés, ni en emploi, ni en formation.
Comment captez-vous vos publics ?
W.B. : On travaille en partenariat avec les acteurs de l’insertion professionnelle et sociaux sur le territoire tels que la mission locale, les maisons des solidarités, les clubs de prévention, les associations de quartier ou encore les clubs sportifs qui font partie des principaux prescripteurs du projet. Les éducateurs ont souvent connaissance de la situation sociale, professionnelle, familiale du jeune.
Parallèlement à ce travail en lien avec les prescripteurs, on utilise une méthode innovante de repérage qui s’appelle la prospection directe, c’est-à-dire, que nous nous déplaçons directement en centre-ville ou dans les quartiers pour rencontrer de nouveaux jeunes, flyer à la main, pour leur proposer notre accompagnement. C’est une façon de changer les habitudes dans le monde de l’insertion puisque pour une fois c’est l’institution qui vient au contact du jeune, qui se sent de suite valorisé et plus enclin à discuter d’un éventuel
accompagnement.
La prospection est notre première source de recrutement puisque cela représente 45% des bénéficiaires.
Comment se déroule le projet au quotidien ?
W.B. : Le PASSE dure 4 mois. Du lundi au jeudi, les jeunes sont avec nous dans nos locaux situés à proximité du métro Barrière de Paris. C’est une action assez intensive car elle demande un investissement important du jeune qui est non rémunéré. Cet aspect-là nous permet aussi d’avoir des jeunes qui sont volontaires et motivés pour s’investir dans le projet.
Une semaine type comprend deux demi-journées de sport par semaine et parallèlement, on a des ateliers complémentaires, comme le théâtre, qui va permettre de travailler l’estime de soi, la confiance en soi, l’expression orale, la prise de parole en public, etc. Nous travaillons sur du théâtre forum avec l’Ecole Citoyenne. Cela permet de mettre en scène des thématiques que l’on peut rencontrer dans le monde professionnel : le rapport hiérarchique patron/salarié, la discrimination femme/homme, ou même le racisme. C’est aussi une façon ludique de préparer ces jeunes au milieu professionnel.
Enfin, il y a des ateliers techniques de recherche d’emploi. On rentre vraiment dans l’accompagnement du projet professionnel.
S.L. : Une fois que le jeune est inscrit dans le parcours, je le rencontre en entretien pour avoir une idée de son projet professionnel s’il en a un et si ce n’est pas le cas, l’enjeu est justement de l’accompagner à en trouver un. L’entretien dure entre 45 minutes et 1 heure et me permet d’avoir une vision globale sur sa situation, pour pouvoir lever les freins à son employabilité : s’il rencontre des difficultés au sein de sa famille, des difficultés financières, etc.
Je débute généralement par son parcours scolaire, en commençant par le CP, étape déjà importante où il se passe plein de choses. Tout cela me permet d’aborder ce qui ne va pas aujourd’hui pour ensuite essayer de trouver des solutions adaptées. J’oriente donc certains jeunes quand la situation s’impose auprès de partenaires sociaux comme la CAF car ils n’ont pas forcément connaissance de leurs droits, Pôle Emploi, la Mission Locale, des petites démarches qui vont à un moment donné améliorer leurs vies.
Ensuite, j’interviens sur des temps individuels et collectifs en salle. J’aime bien parler de stagiaires de la formation pour les bénéficiaires.
3 modules sont dispensés : posture professionnelle, communication / estime de soi et techniques de recherche d’emploi ou de formation.
A l’issue de ces trois modules, on va vraiment travailler sur la recherche d’emploi, de stage ou de formation avec le suivi social en complément.
A l’issue de ces quatre mois d’accompagnement, que deviennent ces jeunes ?
W.B. : Nous mettons en place un suivi post-parcours de deux mois qui permet d’une part de sécuriser les sorties positives et d’autre part de continuer à accompagner ceux qui n’auraient pas trouvé au bout des 16 semaines. Si on se rend compte que le délai de deux mois n’est pas suffisant pour travailler de manière pertinente avec eux, on recherche un autre dispositif qui pourrait prendre le relais pour accompagner le jeune, c’est ce que l’on appelle les sorties dynamiques. Nous orientons le jeune vers un autre dispositif d’accompagnement professionnel. Dans notre méthodologie, on souhaite éviter les ruptures dans les parcours, en toute bienveillance. Puis, trouver du travail à un jeune c’est bien, mais faire en sorte qu’il s’y tienne et s’y épanouisse, c’est autre chose. On appelle pour savoir si tout va bien, s’il y a des problèmes à désamorcer ou des situations à prévenir. C’est rassurant pour le jeune et pour l’employeur également de savoir que l’on est toujours là en cas de souci quelconque.
« C’est vraiment basé sur le volontariat, ce qui change aussi la méthodologie
d’accompagnement que l’on peut avoir avec eux puisque le seul moyen de les fidéliser,
c’est de jouer la carte de la proximité. On est sur un fonctionnement
horizontal où tous les salariés vont se mettre à leur niveau et créer du lien. »
Le projet a débuté il y a six mois, quels sont vos premiers résultats ?
W.B. : Trois premières sessions se sont terminées, c’est-à-dire que les quatre mois d’accompagnement sont arrivés à leur terme. Sur le premier groupe, nous avons eu 56% de sorties positives, ce qui veut dire que les jeunes ont accédé à un emploi ou une formation. 4% ont abandonné et les restants sont dans une dynamique de recherche d’emploi active. Sur le deuxième, on a 50% de sorties positives. Il y a eu un peu plus d’abandons car c’était un public essentiellement constitué de mineurs, donc très difficile à capter et à mobiliser. On a aussi axé l’accompagnement sur la recherche d’apprentissage ou un retour à la scolarité donc la sortie positive ne pourra être comptabilisée qu’à la rentrée de septembre.
Concernant la troisième session, les chiffres baissent car nous avons eu une majorité d’orientations de partenaires, avec des jeunes aux parcours compliqués, dont les problématiques personnelles étaient lourdes, nécessitant une prise en charge sociale. On souhaitait davantage lever les freins périphériques à l’emploi, avant d’entamer toute démarche d’accompagnement professionnel. On a donc orienté vers les dispositifs sociaux compétents.
Comment créez-vous du lien avec les bénéficiaires ?
W.B. : La particularité par rapport à d’autres dispositifs, c’est que le bénéficiaire ne va pas être rémunéré ou indemnisé pendant qu’il est inscrit au PASSE. C’est vraiment basé sur le volontariat, ce qui change aussi la méthodologie d’accompagnement que l’on peut avoir avec eux puisque le seul moyen de les fidéliser, c’est de jouer la carte de la proximité. On est sur un fonctionnement horizontal où tous les salariés vont se mettre à leur niveau et créer du lien. On n’est pas dans un rapport hiérarchique éducateur/jeune. On balaye tous les sujets de conversation : famille, situation sociale, expériences professionnelles et on tisse des relations presque amicales. Ils se sentent en confiance. Avant d’être un dispositif d’accompagnement à la construction du projet professionnel, c’est avant tout un sas de dialogue pour eux. Souvent, l’isolement est une problématique rencontrée par les NEET. La rupture avec les institutions va provoquer cet isolement avec un cercle social restreint et intégrer le dispositif est une manière de favoriser leur inclusion en rencontrant des jeunes de leur âge et surtout en accédant à un espace de discussion sans jugement. Le dialogue se fait facilement et c’est essentiellement comme ça que l’on arrive à créer du lien avec eux. Il y a vraiment un esprit tribu qui se met en place et sur la cinquantaine de jeunes suivis, on n’a jamais eu de souci de comportement ou de manque de respect envers l’équipe.
Le sport est central dans le dispositif. Clément, quel est ton rôle au sein du PASSE ?
C.F. : Je suis responsable de toute la partie sport du projet. Dans la programmation des activités, j’essaye de mixer entre sport collectif et sport individuel pour développer les valeurs propres à chacun.
Le sport nous permet d’avoir un regard pédagogique, extérieur, sur des attitudes et des comportements que l’on ne capte pas forcément lorsque le jeune est derrière un ordinateur. On sait à travers sa pratique sportive, quelles qualités il ou elle a et c’est plus intéressant dans les relations avec les employeurs de pouvoir leur exposer cela aussi. C’est aussi une échappatoire. S’ils se retrouvent dans le PASSE, c’est qu’ils ont eu à un moment donné un problème soit professionnel, soit familial ou personnel et là encore, le sport permet de lâcher prise sur plein de choses, d’oublier un peu son quotidien.
Je suis également chargé d’organiser les séjours sportifs, basé sur du team-building. On s’est fixé l’objectif d’accompagner 80 jeunes sur l’année. Du coup, chaque nouveau groupe de 10 jeunes, on part deux ou trois jours, toujours pour développer les compétences transférables du sport au monde professionnel : esprit d’équipe, estime de soi et de nouvelles telles que le dépassement de soi, la confiance en soi et en l’autre, le fait d’accepter de sortir de sa zone de confort ou de trouver sa place dans un groupe, en s’initiant à des activités de pleine nature comme la via ferrata, le canyoning, la spéléologie. C’est également bien pour eux de quitter l’agglomération toulousaine. On part généralement à Saint-Antonin Noble Val (Tarn-et-Garonne) ou à Luchon dans les Pyrénées. C’est intéressant parce que ce sont des endroits où ils ne sont pas habitués à aller. Ils se familiarisent avec un environnement différent du leur.
Sinon, je suis investi dans l’accompagnement des jeunes au quotidien. On est une équipe de quatre et on travaille vraiment en
complémentarité. La plupart du temps, nous prospectons en direct avec Widdy mais nous sommes tous amenés à intervenir en salle en face à face pédagogique, ou aider les jeunes sur un CV ou une lettre de motivation. Nous sommes multitâches et notre fonctionnement est très plaisant.