« Au contact » #18 Pascale Sforzi et Hugues Bonnemaison

RENCONTRE AVEC DEUX PROFESSIONNELS DE LA RÉUSSITE ÉDUCATIVE :

Lors d’une interview, Pascale Sforzi et Hugues Bonnemaison, tous deux éducateurs, se sont livrés sur le quotidien d’un travailleur social au sein de la Réussite Educative. Partenaire de longue date, ils ont notamment abordé la spécificité de l’accompagnement social mené par Rebonds! ainsi que l’importance de la complémentarité qui permet de faire un suivi davantage qualitatif pour le jeune ainsi que sa famille.

 

Bonjour Pascale et Hugues, pouvez-vous vous présenter en 3 mots ?

PASCALE : Pascale SFORZI éducatrice de jeunes enfants, à la réussite éducative depuis 2010.

HUGUES : Hugues BONNEMAISON, éducateur spécialisé à la réussite éducative depuis 2009.

 

Merci pour cette rapide présentation. Est-ce que vous pouvez me dire, l’un et l’autre, ce qu’est la Réussite Éducative dans ses grandes missions ?

HUGUES : La Réussite Éducative, c’est un accompagnement individuel d’enfants en situation de fragilité sociale.

PASCALE : Ou aussi scolaire sur de nombreux domaines, dont la santé ; mais également sur l’ouverture socio-culturelle et sportive entre 2 et 16 ans. C’est un service de la Mairie de Toulouse. 5 équipes quadrillent tout Toulouse, sur tous les établissements scolaires de la maternelle au collège.

HUGUES : Il peut également y avoir des sollicitations directes grâces aux partenariats développés et à l’impact positif des accompagnements réalisés. Une autre chose importante est qu’on travaille dans des équipes pluridisciplinaires, chaque équipe sectorielle est composée d’une éducatrice de jeunes enfants, d’un psychologue, et d’éducateurs spécialisés, il y a aussi un coordinateur sur chaque secteur.

 

Est-ce que vous pourriez décrire concrètement le rôle de la Réussite Éducative ? Un exemple ou des situations ? Qu’est-ce que vous faites au quotidien ?

HUGUES : C’est un accompagnement au plus près des besoins et des demandes des familles. On s’adapte à chaque situation pour répondre de manière adaptée aux problématiques rencontrées. On prend des rendez-vous, hebdomadaires si on peut, avec l’enfant et ou avec sa famille, chez les parents ou à l’extérieur, ça dépend du projet et d’où on en est au niveau des objectifs définis ensemble.

PASCALE : Hugues, sachant que tu as une éducatrice de jeunes enfants sur ton secteur, j’imagine que ce qui définit aussi ta posture d’éducateur spécialisé, c’est un peu le profil des jeunes que tu accompagnes…

HUGUES : Oui. Alors moi je travaille plus avec les primaires et les collégiens et on est sur des profils d’enfants qui peuvent avoir un manque d’intérêt pour la scolarité par exemple. Dans la majorité de mes situations c’est un repérage de l’Éducation Nationale.

PASCALE : Moi, j’accueille les plus jeunes, ce qui est quand même différent. Je suis éducatrice jeunes enfants, donc dans mes suivis ça n’excède pas sept huit ans, ce sont des âges déterminants. On va définir des objectifs quand on va rencontrer les familles et ça va dépendre un peu de la demande et des difficultés repérées. Est-ce qu’elles se situent au niveau de l’école ? dans la famille ? des difficultés plutôt liées à quelque chose de non identifié en amont ? On va donc orienter vers des bilans, des choses comme ça, voire vers la santé.

 

Est-ce que vous avez des exemples ? Qu’est-ce que vous pouvez être amené à faire avec un jeune dans son accompagnement ?

PASCALE : Parfois, on va remarquer que ce sont des postures éducatives à soutenir, du soutien à la parentalité. On va accompagner les familles dans la découverte de leur environnement socio-culturel : la ludothèque, la bibliothèque et même le cinéma. On va les aider à comprendre ce que cela peut apporter à leurs enfants, comment y aller, comment s’inscrire, où cela se trouve… On va aussi accompagner vers le sport, dans une idée de complémentarité, comme Rebonds! peut le faire.

HUGUES : C’est ça, c’est d’abord apprendre à se connaître. Il y a une histoire de lien de confiance qui se crée. Et puis petit à petit on oriente, on accompagne vers les structures les plus proches. Selon la demande et le besoin, on ira voir un petit peu plus loin dans l’environnement. Les nouveaux résidents de Toulouse ne sachant pas trop où aller et comment trouver les informations utiles. C’est largement envisageable d’accompagner vers le loisir, le sport ou le culturel comme disait Pascale. Et puis il y a des situations qui sont un peu plus complexes, où effectivement un jeune peut avoir tendance à s’être replié sur lui-même. Nous travaillons dans la prévention, nous accompagnons des enfants et leurs parents dans ce qui est souvent un premier accompagnement. Nous travaillons ensemble et leurs proposons des pistes de travail pour aller vers un « mieux être ».

PASCALE : Si on est là c’est qu’on a repéré des fragilités. Donc, on est vraiment bien dans la prévention et ce mot est important pour le dispositif de la Réussite Éducative. C’est l’une des choses qui nous différencie de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) par exemple. Parfois c’est un enfant qui a un problème relativement léger, ça peut être un enfant qui est trop introverti, qui refuse de rentrer, dès la maternelle, dans les apprentissages ou qui refuse les contraintes liées au collectif. Sur des enfants qui ont du mal à communiquer, on va être sur la question de la socialisation. Ça, ça peut également nous amener vers le socio-culturel.

 

Comment, à un moment, sur une situation va commencer un partenariat entre la Réussite Éducative et Rebonds! ?

PASCALE : Moi par exemple, sur un des accompagnements, c’est la demande de sport de la famille croisée avec le besoin d’un accompagnement ; parce qu’il me semble que chez Rebonds!, le sport est important, c’est un des leviers utilisés pour faciliter l’adhésion et la mise en place d’un accompagnement. Il faut avoir envie de pratiquer le rugby. À côté de ça, il y avait un petit garçon qui était grand, costaud, qui avait des aptitudes mais qui ne savait pas trop s’en servir. Il était un peu brusque, un peu difficile avec les autres dans le lien social. Du coup, l’orientation vers Rebonds! est venue naturellement à partir de la demande de sport de la famille. Mon observation étant qu’il fallait soutenir cet enfant pour continuer à valoriser tout ce qu’il y avait de positif, parce qu’il y avait beaucoup de choses, et à la fois le canaliser un petit peu, apprendre à vivre avec les autres, avoir des règles de vie sur un média qu’il avait envie d’explorer : le sport.

HUGUES : Rebonds! intervient dans de nombreuses écoles de Toulouse. Moi dans mon cas, il y a des jeunes qui s’intéressent au rugby grâce à ces interventions-là. J’ai pu accompagner vers Rebonds! grâce à ce lien qu’ils ont eu avec ces ateliers qu’il y avait dans les écoles ou dans leur collège. Si la famille adhère à l’idée d’une rencontre et des essais en club alors Rebonds! prendra le relais sur cet objectif sportif. Les jeunes, les enfants pour lesquels on peut voir qu’il y a une problématique autour du lien, autour des règles, qui ont besoin de concentrer un petit peu leur énergie ou qui ont un physique ; on sent que ça pourrait être intéressant. Le football est très ancré auprès des publics qu’on accompagne, il n’est pas toujours facile d’orienter vers le rugby pour enchainer sur Rebonds!. Parce que culturellement ils n’ont pas accès ou ne connaissent pas ce sport ou parce qu’ils se disent que c’est un sport violent. C’est notamment grâce aux cycles rugby qu’il y a dans l’établissement scolaire que le jeune, l’enfant va pouvoir comprendre que c’est un sport de contact avec énormément de valeurs.

 

Est-ce que vous ça vous est arrivé ou est-ce que vous avez entendu des situations où Rebonds! oriente vers la Réussite Éducative ?

HUGUES : Je crois que c’est arrivé de mon côté, j’ai le souvenir qu’il y avait un accompagnement Rebonds! et que l’association est venu nous voir en disant qu’il y aurait besoin d’un partenaire dans l’accompagnement pour amener un nouveau discours et travailler une thématique spécifique sur un temps donné.

PASCALE : Je ne m’en rappelle pas de mon côté. Il me semble que l’on doit plutôt fonctionner dans l’autre sens. Quand je travaille en complémentarité avec Rebonds!, il y a certaines missions de l’association qui sont mises un peu en off pour laisser en place l’accompagnement éducatif tel qu’il a été installé au départ. Ensuite, à la fin de l’accompagnement « Réussite Éducative » quand je m’en vais, je délègue tout et c’est complètement repris par Rebonds!. Je sais que l’association a les ressources pour prendre le relais totalement sur nos missions d’accompagnement.

 

Qu’est-ce que la pratique du sport en club (puisque c’est une des caractéristiques de l’accompagnement de Rebonds!) peut apporter aux publics que vous accompagnez ?

HUGUES : Le club peut amener un travail autour des règles et des valeurs. Il y a une forme de vivre ensemble dans les clubs, le rugby apporte ça aussi. Ce sont ces notions clés qui vont nous amener à vouloir travailler avec Rebonds! dans certaines situations. J’ai en tête une jeune qui est aujourd’hui au club de Blagnac et qui était en grande difficulté à l’école. Au rugby, et à Blagnac, le club est très familial et ça lui a vraiment permis de prendre confiance en elle, de voir que les qualités qu’elle était en train de développer étaient vraiment en lien avec la pratique. Ça l’a vraiment mise dans un bel élan. Pour ça le rugby, et donc Rebonds! sont intéressants.

PASCALE : Pour moi, l’une des grandes forces de Rebonds! c’est de réussir à externaliser la question de la pratique en club grâce aux partenariats développés avec ces derniers. Quand il n’y a plus besoin de Rebonds! dans le parcours de vie d’un jeune et de sa famille, le rugby peut rester, le club et ses bienfaits restent. Il n’y a pas tout qui s’effondre et ça c’est intéressant. Cette externalisation vers les clubs apporte en plus une vraie mixité. On évite de créer un club, une équipe, qui rassemblerait les enfants en difficulté, on leur donne plutôt la chance d’aller se mélanger.

 

Quel rôle prennent les professionnels de Rebonds! dans les accompagnements en partenariat ?

PASCALE : Sur les situations où nous orientons une famille vers Rebonds!, il y a une vraie complémentarité qui se crée. Je me rappelle d’un lien que j’ai fait avec une professionnelle de Rebonds! sur une famille que j’accompagne. Dans cette situation, l’enfant ne se douchait pas avec les autres au club. Lorsque l’éducatrice socio-sportive de Rebonds! s’en est aperçu, elle m’en a fait part et nous avons pu échanger. Ça nous a permis de réfléchir ensemble sur la question de l’hygiène afin de vérifier si cette observation de terrain ne cachait pas un problème sur cette thématique. C’était l’occasion d’interroger les habitudes du jeune et de sa famille pour continuer à travailler à son bien-être. Après avoir constaté qu’il n’y avait aucun problème d’hygiène dans la situation, ça a été l’occasion d’échanger avec la famille sur l’intérêt et le sens des douches collectives dans le sport. Leur rappeler que personne ne va l’obliger et expliquer aussi ce que ça veut dire de se doucher tous ensemble après un match dans le club, en France. Dans cet exemple c’était intéressant de travailler avec Rebonds! parce que chaque interlocuteur avait son rôle, sa place et pouvait apporter ses observations pour échanger, toujours dans l’intérêt de l’enfant.

HUGUES : Exactement, c’est un partenariat, on fait le point, on informe. Quand le jeune est bien installé dans son club, on sait que Rebonds! est toujours là et va rester. Il y a quelque chose derrière. Il y a une suite dans l’accompagnement pour cette famille qui a toujours certaines formes de fragilités. C’est bien qu’il y ait quelqu’un qui continue à travailler sur la situation quand le travail de la Réussite Educative prend fin, ça permet d’éviter des ruptures dans les accompagnements.

 

Est-ce que vous avez des contacts réguliers avec le professionnel de Rebonds! avec lequel vous êtes en partenariat ? Comment est-ce que se passe ces complémentarités dans l’action opérationnelle ?

HUGUES : Dès qu’il y a besoin, l’intervenant Rebonds!, peut nous contacter et nous de même. On sait qu’on peut s’appeler ou s’écrire rapidement de manière informelle ou bien organiser une rencontre très formelle avec les familles. Les modalités du partenariats avec Rebonds! s’adaptent aux situations et à l’évolution de celles-ci. On arrive toujours à organiser des rencontres quand il y a des moments importants dans la vie sportive, associative de Rebonds! ou dans le partenariat avec la Réussite Éducative.

PASCALE : Les modalités du partenariat : c’est très simple et très souple. Par téléphone dès qu’il y a besoin ; s’il y faut qu’on se rencontre on le fait sans aucun problème. On se parle et on échange de manière transparente dans le même objectif.

 

Si vous parlez avec d’autres professionnels de la Réussite Éducative à Toulouse, ou ailleurs, comment vous présenteriez à la fois Rebonds! et peut-être les plus-values, sur certaines situations adaptées, d’un partenariat avec l’association ?

PASCALE : Pour moi Rebonds! intervient lorsqu’un enfant émet le souhait de jouer au rugby. La première plus-value de l’association c’est de lever les freins à la pratique en club. Parce que des freins il peut y en avoir beaucoup : culturels, administratifs, logistiques, financiers… Je pense à une famille où le papa est en situation de handicap. Il ne pourrait pas accompagner concrètement l’enfant au club, il ne ferait donc pas de sport. Donc Rebonds!, pour moi, lève les freins et enchaîne en accompagnant la famille d’un point de vue social, éducatif, de façon assez globale : en fonction de besoins identifiés et exprimés ça peut être la scolarité, la santé, ou sur d’autres questions éducatives.

HUGUES : Je suis tout à fait d’accord avec ça. Ce qui est également intéressant c’est que quand Rebonds! voit que le rugby ne fonctionne pas, ils vont essayer de travailler avec la famille malgré tout. Ils ne lâchent pas la situation. Pour moi, ça, c’est une plus-value énorme. L’association va essayer d’accompagner l’enfant vers une autre activité sportive si possible parce que l’outil sportif reste son levier d’action principal, mais dans tous les cas elle ne lâche pas une famille sans rien prévoir derrière.

J’ai notamment en tête un jeune que j’accompagnais et qui a souhaité arrêté le rugby, on a discuté avec la coordinatrice sociale de Rebonds! pour voir comment on pouvait travailler ensemble vers un ailleurs ; et ça c’est super important. On en discute parfois entre collègues, et on aimerait qu’il puisse y avoir ce genre d’accompagnement avec d’autres sports.

 

Qu’est-ce que vous pensez des temps de vacances Rebonds! pour les jeunes intégrés en club et pour ceux, orientés par la Réussite Éducative, qui hésitent encore ?

HUGUES : C’est très bien qu’ils puissent être, pendant une semaine de vacances, avec d’autres jeunes, sans la scolarité et qu’ils soient dans le plaisir, le jeu, la découverte. Chaque stage a une thématique éducative en fil rouge, je me souviens d’un stage sur la question du poids. Il y avait des activités sur la nutrition, sur le sport et sur la santé de manière générale. C’est intéressant je trouve, et en plus, ça permet aux parents et aux jeunes de connaître les intervenants de l’association!. Lorsqu’on souhaite faire une intégration à Rebonds!, pouvoir avoir ce premier lien sur un stage facilite la suite s’il doit y avoir une orientation club et un accompagnement en partenariat.

PASCALE : Ces stages permettent des ouvertures puisque qu’il y en a qui abordent la pratique d’autres sports et de plusieurs activités. Après c’est vrai que pour orienter vers Rebonds! il faut connaître et avoir confiance, se rendre compte de l’engagement et des compétences de leurs équipes. Moi, je suis convaincue de la plus-value de Rebonds! pour les enfants. Je n’hésite pas à travailler avec l’association, à la condition qu’il puisse y avoir une appétence pour le rugby chez un enfant que je suis.

HUGUES : Je pense que les enfants peuvent aussi changer d’avis, et s’il ne faut pas les obliger à aller vers le rugby pour accéder aux actions de Rebonds!, le fait de pouvoir orienter vers les stages pendant les vacances peut permettre la création d’un lien avec les éducateurs de l’association. Et si ce lien entraîne une volonté d’essayer le rugby en club, alors pourquoi pas tenter le coup.

 

Merci beaucoup, pour finir sur une note plus légère : le rugby au-delà de Rebonds! est-ce que pour vous ça évoque des choses, des souvenirs persos… ?

PASCALE : De la joie, moi j’ai vu beaucoup de solidarité, de joie. Je n’étais pas fan, je ne suis pas devenue une inconditionnelle. Je m’y suis intéressée par mes enfants d’abord. Mais aussi parce que j’y retrouve quelque chose de féministe, de joyeux, de solidaire. Si on pouvait enlever un petit peu le côté choc, parfois, je sais que ça me plairait : on dit beaucoup du rugby féminin qu’il est plus courant, plus aérien que celui des hommes. Donc qu’est ce ça m’évoque le rugby : c’est généreux, c’est le partage.

HUGUES : Moi pour le rugby c’est une partie de ma jeunesse. J’avais été repéré par un club, donc bien sûr que ça marque. Après c’est vraiment un sport que j’apprécie regarder, même si je ne comprends pas toujours toutes les règles… Le rugby est un sport que j’ai appris à découvrir et que j’adore. Vivre à Toulouse et vivre rugby c’est un peu une évidence. C’est un sport avec des valeurs importantes pour le vivre ensemble et le respect mutuel.

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