À l’origine de nombreux ouvrages, Nadine Haschar-Noé a consacré ses travaux à des thématiques qui lui sont chères : la culture, le sport et la santé. Ses nombreuses expériences et son expertise lui permettent d’aider et d’accompagner Rebonds! en tant que vice-présidente. Retour sur le parcours d’une retraitée active qui renouvelle continuellement son engagement auprès de Rebonds!.
Bonjour Nadine, est-ce que vous pouvez brièvement vous présenter ?
Je suis Nadine Haschar Noé, retraitée depuis 9 ans…Une retraitée un peu trop active ! Avant de rencontrer Rebonds!, j’ai eu deux carrières professionnelles. Premièrement j’ai été professeur d’Education Physique Sportive (EPS) en région parisienne, pendant 20 ans. J’ai ensuite été formatrice dans des IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres) pour former les cadres, c’est-à-dire les professeurs d’EPS et les stagiaires. Je n’ai pas souhaité faire de l’EPS toute ma vie, j’ai repris mes études en réalisant une thèse, toujours en région parisienne, sur les politiques sportives des collectivités territoriales. Au niveau théorique ma thèse est un travail sociologique sur l’action publique. J’ai à la fois un pied en sociologie et un pied en sciences politiques. Ce sont mes deux ancrages théoriques. Cela n’avait rien à voir avec mon métier d’origine… En 1996, j’ai été recrutée à la faculté des Sciences du Sport de Toulouse, en tant que maître de conférence spécialisé en action publique. J’ai aussi dirigé pendant très longtemps la filière management du sport, toujours à la Faculté des Sciences du Sport. J’ai aussi été directrice adjointe de cette faculté où j’ai contribué à la mise en oeuvre de formations en master, licences, ect… Depuis que je suis à la retraitre je fais de nombreux travaux de recherche et je suis impliquée dans trois programmes de recherche que je suis en train de finaliser. Je fais désormais bien plus de recherche que lorsque j’étais enseignante chercheuse où j’avais d’autres responsabilités administratives.
Merci pour cette présentation. Comment s’est déroulée votre arrivée à Rebonds! et qui a été votre premier interlocuteur ?
Mon premier interlocuteur a été Sanoussi Diarra (co-fondateur de Rebonds!) lorsqu’il était encore dans sa première version de Rebonds! avec Sébastien Bouche (co-fondateur de Rebonds!). Il me semble qu’il était venu me voir, je ne me souviens plus en quelle année, à la Faculté où j’exerçais pour me parler de ce qu’il faisait à Rebonds!. J’ai trouvé son travail très intéressant et je m’y suis intéressée. Je lui ai adressé beaucoup de mes étudiants en stage et nous avons démarré une relation intéressante, il a pu intervenir dans des cours, pour que lui avec Jules Sire (directeur de Rebonds!) puissent présenter le projet et les actions de Rebonds! à nos étudiants. Pour la petite histoire il faut savoir que Jules était un de mes anciens étudiants de Master, Thomas Bellan (directeur adjoint de Rebonds!) est aussi un ancien étudiant de master. Une relation s’est tissée entre nous parce que je trouvais magnifique ce qu’ils faisaient, notamment sur les Quartiers Politique de la Ville (QPV), domaine sur lequel je travaillais dans le cadre de mon master. Quelques temps avant ma retraite, Sanoussi m’a approchée pour me demander si je souhaitais devenir administratrice de l’association, je lui ai dit oui, pensant n’avoir rien à faire à la retraite… erreur ! Depuis 2012-2013 je suis administratrice. C’est comme ça que Sanoussi m’a recrutée et que je l’ai recruté aussi pour donner des cours à la faculté dans le cadre du master que je dirigeais et que j’ai créé qui se nommait «Sport et Action Publique».
Qu’est-ce qui a motivé votre choix de rentrer à Rebonds!, et qu’est-ce qui a fait que vous êtes toujours là après quelques années au sein du Conseil d’Administration ?
Ce qui a motivé mon choix c’est l’intérêt du travail mené par Rebonds!. Je trouvais que cette association était une structure innovante. J’avais dit il y a très longtemps à Sanoussi « Toi tu es un entrepreneur social ! », il m’avait dit que non et je lui avais dit que ce n’était pas péjoratif et qu’il agissait pour des publics particuliers. J’aimais beaucoup ce que Sanoussi portait en termes de valeurs et d’engagement auprès de publics en difficulté. En rentrant au Conseil d’Administration je souhaitais donner de mon temps, au même titre que Sanoussi, lorsqu’il intervenait auprès de mes étudiants. Pour moi c’était un retour, nous sommes dans un rapport d’écoute mutuelle. Dans le Conseil d’Administration on découvre des gens qui ont des rôles et des postes très différents. L’intelligence de Rebonds! est de faire appel à des gens qui ont des compétences diverses et variées. Et nous, au Conseil d’Administration nous pouvons apporter nos compétences en tant que spécialiste. Je trouve que c’est une très belle stratégie de Rebonds!, ce qui explique en partie son développement.
Quelles sont vos missions en tant que vice-présidente au sein du Conseil d’Administration et également au sein de Rebonds! ?
Il n’y a pas vraiment de missions, la mission d’une vice-présidente est d’être présente à toutes les réunions, préparer les sujets abordés et les documenter, si besoin. Les compétences que je mobilise pour Rebonds! renvoient à ma carrière sportive et scientifique. Quand il y a des appels à projet, je suis là pour les aider, leur donner des stratégies ou des références à lire. Je suis là aussi pour les questions d’évaluations, car j’ai beaucoup travaillé sur l’action publique. Je participe aussi, de plus en plus, aux recrutements, celui sur les inégalités sociales de santé par exemple. Je participe au recrutement ayant aussi été très recruteuse dans ma carrière, au niveau des professeurs. C’est une compétence supplémentaire que je peux mettre au service de Rebonds!. Je suis sur un accompagnement à la demande, sur des appels à projet, des références scientifiques et des réflexions stratégiques et politiques. C’est l’apport principal que j’ai en tant que vice-présidente, parce que je suis universitaire et que j’ai travaillé sur ces questions. Je suis tellement débordée par les programmes de recherche que je regrette de ne pas avoir assez le temps pour venir aux tournois organisés par Rebonds!. Actuellement, j’accompagne les coordinatrices sociales sur une évaluation du suivi de Rebonds!. Je participe à la commission du groupe de travail encadré par le bureau d’étude Scale Changer sur le DLA. On vient d’attaquer le deuxième temps sur les aspects et les décisions stratégiques à prendre, qu’on soumettra ensuite au Conseil d’Administration.
Continuons avec une question plus légère.
Le sport fait partie intégrante de vos sujets de recherche, est-ce que vous avez un intérêt pour celui-ci ? Est-ce que vous pratiquez un sport ? Le rugby peut-être ?
J’adore le rugby, mais ça c’est familial, mon grand-père était joueur de rugby donc je suis ancrée dans le rugby, j’y ai très peu joué pendant mes études. J’ai toujours fait du sport, depuis l’âge de 10 ans, aujourd’hui j’en ai 70, ce n’est pas le même sport mais c’est toujours présent dans ma vie. J’étais athlète au niveau national. J’ai fait énormément de sports collectifs notamment le handball. J’ai aussi fait de l’athlétisme et j’ai arrêté en devenant professeur, ça ne me plaisait plus. La danse et le tennis que j’ai pratiqués respectivement pendant 20 ans et 30 ans. J’ai arrêté le tennis, puis la danse pour une question de temps. Depuis 7, 8 ans, je me suis mise au qi gong et au taï chi, ça me rappelle la danse, c’est de la gym douce et des arts martiaux internes, j’en fait 5/6h par semaine. J’en fait toujours mais je m’adapte à mes capacités physiques. Quand j’étais prof d’EPS, j’étais d’ailleurs une des spécialistes en danse à l’école, j’avais fait des formations avec des chorégraphes. J’ai été sollicitée sur la construction des programmes de danse en éducation physique, ce n’était pas gagné que la danse s’installe dans les écoles.
Vous nous avez parlé précédemment de l’évaluation du Suivi social de Rebonds! que vous menez avec les coordinatrices sociales et chargées de suivi, qui est actuellement toujours en cours. Pouvez-vous nous en parler un peu plus ?
Nous sommes presque sur la fin et à la rentrée il y aura un rapport. Avec le COVID-19, nous avons mis du temps… Nous avons entrepris un travail très qualitatif d’analyse du Suivi Rebonds! sur trois publics. Pour l’instant nous en avons fait un seul, celui qui nous semble le plus important : les jeunes. La question était : quels sont les effets de Rebonds! sur les jeunes du Suivi social ? Pour cette question, il fallait construire avec les coordinatrices sociales un outil d’évaluation. Il ne s’agissait pas de compter… mais de recueillir les paroles des jeunes. C’est très compliqué de recenser les effets de Rebonds! sur eux même. On ne dit pas que c’est vrai ou c’est pas vrai, on veut savoir ce qu’ils peuvent retenir. Nous sommes partis d’un tableau définissant les objectifs de Rebonds!, regroupés dans les catégories suivantes :
· L’autonomie des jeunes,
· Le bien-être physique (en quoi l’activité physique procure du bien aux jeunes),
· Le bien-être mental (tout ce qui pouvait renvoyer à l’assurance de soi, la confiance en soi…)
· Le bien-être social (capacité à tenir des relations, à en créer, à les poursuivre, avoir une relation d’écoute avec les autres, au final tout ce que le rugby apprend mais plus généralement).
Nous sommes donc partis sur ces 4 catégories, elles ont mis en face des catégories des actions mises en œuvre, afin de trouver des indicateurs qui permettaient de mesurer, pour les actions menées, des effets ressentis par les jeunes. Comme méthodologie de recueil des données, nous avons construit un questionnaire très concret : avec, par exemple, comme question : «Est-ce que c’est toi qui fait ton sac pour aller au rugby ?» Pour en savoir plus quant à l’autonomie des jeunes. Il faut que le jeunes puissent répondre sans avoir peur d’être jugés, ils étaient en confiance avec les coordinatrices sociales. Elles ont enregistré les entretiens (qui duraient une trentaine de minutes) avec une trentaine de questions, les plus simples possible, les plus accessibles possible auprès de trente jeunes. Ce sont bien plus que des questionnaires, ce sont pour moi des entretiens que nous avons menés. Elles ont retranscrit les réponses, et actuellement nous sommes en train de les traiter. Les coordinatrices sociales ont choisi des profils différents en termes d’âge, de type de suivi, de situation familiale ou sociale pour avoir un panel très diversifié. Prochainement, toutes les données seront traitées, objectif par objectif, types d’action par types d’action. Nous ne sommes pas une photo représentative, mais sur une étude qualitative, qui vise à chercher au plus profond ce que les jeunes disent de Rebonds.! Ce travail prend beaucoup de temps, il demande beaucoup d’analyse, on construit des catégories à posteriori, en fonction des réponses des jeunes. Notre idée au départ était très ambitieuse, on souhaitait faire la même chose avec les parents et avec les partenaires. Le souhait était d’avoir des regards croisés sur le suivi Rebonds! et ses effets. Pour les coordinatrices sociales, c’est important de savoir ce que pensent les parents.
Voilà, nous en sommes là, nous avons commencé fin 2020, il y a un an et demi de travail. Comme dit Jules « C’est de la recherche ! » alors je lui dit « Non Jules c’est de l’évaluation qualitative c’est différent ! ». En regardant les réponses des 15 jeunes, des choses reviennent et apparaissent souvent, comme des choses plus rares, certaines fois on ne s’y attend pas. Il y a des choses dominantes sur les réponses, par exemple se faire de nouvelles relations est une réponse dominante. Le rugby est une activité physique mais le terrain est aussi un lieu pour se faire des ami(e)s, il a une place très importante dans la socialisation des enfants. La relation aux autres est bien plus importante que ce sport en lui-même finalement. Ça confirme l’idée de Rebonds! que le rugby est un outil d’éducation et d’insertion sociale.
Est-ce que cette évaluation est amenée à être diffusée ? Et quelle forme auront les résultats de cette évaluation, vous parliez d’un rapport ? Peut-être sera-t-il présent sur le rapport d’activité ?
L’idée est de l’intégrer dans le rapport d’activité comme un nouveau moyen d’évaluation pour valoriser l’expertise et le travail de Rebonds !. Elle a un intérêt de montrer le travail approfondi qui a été fait sur les jeunes. Dans les réponses d’appel à projet, c’est fréquent ils souhaitent savoir ce que les bénéficiaires pensent de l’association, du Suivi social de Rebonds! et des effets bénéfiques et durables dans leurs parcours de vie.
En parlant de projet, nous sommes depuis peu porteur d’un projet sur la thématique des inégalités sociales de santé. On peut rappeler que les Quartiers Politiques de la Ville (QPV) sont marqués par les inégalités sociales de santé. Qu’est-ce que ce dispositif et cette reconnaissance pour Rebonds! vous évoque ?
Que du bien ! Ca fait 10 ans que je travaille sur les politiques de santé et contre les inégalités. J’ai donc poussé ça, même si Sanoussi et Dominique l’avaient dans la tête. Alors effectivement, nous avons répondu à un appel à projet porté par l’ARS (l’Agence Régionale de Santé), qui a été accepté, en collaboration avec efFORMIP qui est une structure de sport et de santé. Je pense que s’en tenir au sport comme activité n’est pas suffisant. La santé est à la fois une préoccupation centrale, bien plus dans les QPV comme tu dis. C’est une entrée que Rebonds! développe au fur et à mesure. À mon avis, c’est une extension des compétences de Rebonds! qui doit se muscler là-dessus. Au-delà des mots, qu’est-ce qu’on fait ? Ce projet a entrainé au sein de Rebonds! un travail intéressant pour intégrer dans le diagnostic des enfants et des familles des questions de santé, en agissant avec des partenaires professionnels de santé.
L’activité physique c’est aussi de la santé. J’ai aidé à cette rentrée car je trouve que c’est un élément important qui s’ancre dans les préoccupations politiques et nous avons les compétences à Rebonds! pour traiter la question des inégalités sociales de santé et participer à leur réduction, grâce au recrutement d’Hélène Ducobu (Coordinatrice inégalités sociales de santé). Pour moi c’est un plus, ça permet d’étendre nos champs d’intervention. Nous avons aussi répondu à un appel à projet sur la précarité. On utilise le sport pour sortir de la précarité, ça aussi ça a été questionné et nous avons obtenu un financement là-dessus. Nous avons étendu à la question de la santé et de la précarité. Ces deux voies participeront à la reconnaissance de Rebonds! au-delà du sport.
En parallèle, vous êtes également membre d’un centre de recherche et co-directrice d’une collection de revue sur la santé… Qu’est-ce qui vous pousse, continuellement, à vous engager en faveur de l’action publique territoriale ?
Continuellement, le mot est juste ! Ce qui explique mon engagement, en faveur de l’action publique territoriale, c’est une forme d’engagement intellectuel, j’aime bien cette problématique de l’action publique. Deuxièmement je suis intéressée par le et la politique, avec une question centrale : comment on gouverne et qu’est-ce que gouverner ? Enfin, je suis très républicaine dans l’âme, l’action publique est pour moi très importante. Le niveau national et international m’intéresse moins que le niveau local. C’est ce dernier qui m’intéresse, il est plus riche en diversité et plus accessible que les deux autres.