Dans le courant de l’été 2018, Dominique Malhaire a succédé à Sanoussi Diarra à la Présidence de Rebonds!. A aujourd’hui 68 ans et tout fraîchement retraité, il a accepté ces nouvelles fonctions avec enthousiasme et détermination. Découvrez le parcours long et intense d’un homme passionné par son métier…
Bonjour Dominique, pouvez-vous nous détailler les différentes étapes qui vous ont amenées à la direction du Pôle Rives Garonne ?
J’ai eu une première expérience dans le secteur de l’éducation spécialisée dans laquelle je me suis trouvé suffisamment bien pour avoir envie de passer les concours d’entrée aux écoles d’éducateurs spécialisés. Je suis donc venu faire mes études en septembre 1970 à Toulouse, au sein du centre de formation Saint-Simon. 3 ans de formation dans laquelle j’ai pris beaucoup de plaisir, découvert différemment publics et en particulier le domaine du handicap physique. Je suis restée deux ans à l’ASEI (Association pour la Sauvegarde des Enfants Invalides) pour accompagner des jeunes en situation de handicap moteur. Dans le même temps, j’ai fait des rencontres qui m’ont amené du côté des publics sur le versant des troubles de la personnalité, sur ce que l’on appelait les enfants « psychotiques ». Je suis rentré à l’ARSEAA en 1975 et j’y resterai jusqu’au 31 décembre 2018. Un parcours très long, dans lequel j’ai été pendant 10 ans lieu d’accueil, appelé appartement thérapeutique pour des enfants qui vivaient à mon domicile, avec mon épouse et moi-même. De là, je suis passé en direction adjointe de l’ITEP Charta. J’ai fait ma formation du CAFDES de 1986 à 1989, me permettant d’avoir un poste de directeur d’établissement. Je suis resté 10 ans directeur à l’ITEP Charta, 10 ans à l’ITEP Oustalet et au moment où j’aurais pu prendre ma retraite, le directeur général m’a proposé un challenge, que j’ai accepté, qui était de créer un Pôle à partir de 4 ITEP différents (Charta, Oustalet, Paul Lambert et Quatre Vents). C’était un travail très intéressant de construction, d’élaboration, de recherche, de pensées communes avec des publics présentant des troubles du caractère et du comportement. J’ai finalement pris ma retraite fin 2018, après pas mal d’années de travail puisque j’ai eu 68 ans le 14 février 2019.
Comment avez-vous connu Rebonds! ?
C’est une rencontre qui s’est faite au moment où j’étais directeur de l’Oustalet puisque la structure avait émis des propositions d’accompagnement dans les établissements spécialisés. Cela correspondait tout à fait aux besoins que nous avions à ce moment-là. Cela doit remonter à 2005. En 2006, il y a eu la possibilité d’assister à un challenge rugby à Morlaix en Bretagne, grâce à la fondation Trividi. On a donc validé avec Sanoussi Diarra (Directeur Rebonds! à ce moment-là) le fait d’y envoyer un éducateur socio-sportif Rebonds! et lui-même ainsi que de mon côté une éducatrice spécialisée avec 3 jeunes pour voir comment cela allait se passer. Quand ils sont revenus, ils se sont dit qu’il n’y avait pas d’autre solution que de l’organiser nous-mêmes. Avec Sanoussi, nous ne faisons pas partie des gens qui mettent longtemps à prendre une décision donc on a organisé le premier challenge national inter-ITEP sous la formule actuelle en 2006, à Villeneuve-Tolosane. Le projet a été mis en place tel qu’il est structuré aujourd’hui avec une unité de temps et de lieu : 3 jours que maintenant les gens connaissent bien puisque depuis, il y a eu des éditions tous les ans que Rebonds! co-organise avec un ITEP porteur du projet. Cette année 2019, le Challenge se déroulera à Châteauroux.
C’est donc autour de ces interventions de rugby éducatif au sein de l’établissement que l’on s’est rencontré, du challenge et puis des valeurs de Rebonds! qui correspondent complètement à ce que je m’efforce de porter depuis des années. Ces liens d’amitié, ces complémentarités m’ont finalement amené à rentrer dans le bureau. L’association cherchait à se structurer et à faire que le versant associatif soit aussi cohérent que le versant technique et organisationnel de Rebonds !. Le temps faisant et s’approchant d’une décision de la retraite, on avait commencé à réfléchir à la gouvernance, sur la nécessité de restructurer au niveau de celle-ci et la question de présidence est arrivée. J’ai accepté car c’était dans une organisation qui me laissait du temps pour finaliser ce que j’avais prévu sur le Pôle Rives Garonne et qu’au moment où je prendrais la retraite, les choses allaient s’articuler de façon légitime.
J’ai aussi pu faire le lien entre Rebonds!, l’ARSEAA mais aussi avec l’AIRE (Association Nationale des ITEP et de leur REseau), qui parraine le Challenge national de rugby et pour laquelle j’étais membre du conseil d’aministration. Depuis toutes ces années, on peut dire qu’il y a un lien assez fort entre ces structures.
« Tout cela amène une façon de voir, de penser et de conceptualiser
pour aider peut-être au développement de Rebonds!
car c’est aussi dans cette conjoncture là que je rentre, étant donné que
c’est au moment où l’association essaye aussi de construire son futur. »
Issu du milieu de l’éducation spécialisée, quelle est votre valeur ajoutée pour Rebonds! ?
Rebonds! s’adresse à des publics qui sont pour la grande majorité sur un versant de difficultés à la fois sociales, environnementales, avec des conséquences sur le plan de leur construction de personnalité. Cette connaissance des publics me semble être un apport. Ensuite, il y a également le fait que j’ai été directeur dans le secteur pendant 30 ans. L’âge et l’expérience vous amènent à prendre du recul sur les évènements, à avoir une vue un peu plus macro de l’ensemble des dispositifs et cette complémentarité pouvait être intéressante dans cette forme de gouvernance, avec l’apport d’un bureau assez conséquent. Ce côté habitudes de fonctions, de responsabilités, d’habitude de la dimension politique et stratégique peut être un plus. En dehors de 30 ans de direction, j’ai aussi fait 3 mandats d’élus au sein de municipalités, j’ai été Président fondateur de trois associations, et Président d’un club de basket pendant 20 ans. Tout cela amène une façon de voir, de penser et de conceptualiser pour aider peut-être au développement de Rebonds! car c’est aussi dans cette conjoncture là que je rentre, étant donné que c’est au moment où l’association essaye aussi de construire son futur. Il y avait beaucoup de choses qui pouvaient être complémentaires.
Au niveau des Groupes d’Analyse des Pratiques que vous menez en interne, vous apportez là encore toute votre expertise à l’équipe éducative.
En effet, nous avons mis en place des GAP (Groupes d’Analyse des Pratiques) au profit de l’équipe d’éducateurs socio-sportifs. Sur des situations bien spécifiques, complexes, de relation avec des parents ou avec des enfants, je peux y amener mon expertise en tant que professionnel du secteur spécialisé. Cela permet aux salariés d’avoir un espace garanti d’expression qui leur permet d’exposer les difficultés qu’ils peuvent rencontrer. L’idée c’est de construire des hypothèses afin de les aider à monter en compétences.
En tant que Président, vous tenez à ce que la vie associative de Rebonds! soit mobilisée n’est-ce pas ?
Oui, tout à fait, j’insisterai d’ailleurs sur l’importance d’avoir constitué un bureau concerné et d’avoir mis en place des protocoles d’organisation. Le bureau se réunit tous les mois avec une forte assiduité des membres. C’est une équipe qui s’est élargie avec des personnes hors champ du rugby ou de l’histoire de Rebonds!, mais qui viennent parce-que les projets et les valeurs qui sont portées par l’association leur correspondent. C’est un point important car l’audit qui avait été fait en 2010 avait montré un déficit sur le versant de la vie associative, donc il fallait absolument le prendre en compte. Aujourd’hui, la gouvernance monte très régulièrement en qualité avec des personnes compétentes et bien dans l’esprit de Rebonds!.
« Aujourd’hui, la gouvernance monte
très régulièrement en qualité avec
des personnes compétentes
et bien dans l’esprit de Rebonds!. »
Quel est votre point de vue sur le déploiement territorial des actions Rebonds! ?
C’est une vraie expertise qui a été construite au fil du temps. Il y a des accompagnements qui sont de grande qualité, il y a un savoir-faire et un savoir-être qu’il est important de divulguer plus largement qu’à la Haute-Garonne donc c’est vrai que l’immersion sur le Gers, l’Ariège et plus récemment sur l’Hérault, fait complètement partie de l’histoire de Rebonds! et qu’il y a une histoire plus importante à construire sur l’ensemble de l’Occitanie. Ce développement doit prendre un peu de temps pour faire les choses progressivement. Le fait de recourir à un expert du DLA (Dispositif Local d’Accompagnement) nous offre la possibilité d’avoir quelqu’un d’extérieur qui nous aide à analyser et à construire demain. Il doit nous permettre dans les 5 ans à venir de se poser sur un ensemble de territoires de l’Occitanie. Cela nécessite surtout de bien réfléchir à cette construction, comment peut être une gouvernance quand on touche à des espaces qui s’éloignent de la maison-mère ? Est-ce que l’on est sur un projet d’avoir un siège social avec des coordinateurs sur les territoires, quels liens avec la gouvernance ? Il y a un label Rebonds! qu’il ne faut surtout pas perdre et je crois qu’il y a quelque chose de très fort et il faut que l’on puisse maintenir cette cohésion globale. On sait qu’aujourd’hui, ce développement nous amène sur l’insertion professionnelle avec de nouveaux projets et une nouvelle équipe qui s’est constituée récemment. Je pense que l’on sera de plus en plus interpellé sur cette question-là. On parle de parcours sans rupture et je pense que l’on ne peut pas vraiment parler de parcours si on n’anticipe pas derrière ce que vont devenir ces jeunes en prévoyant une sortie positive.
Quels sont les perspectives pour Rebonds! en 2019 ?
Pour 2019, il faudra concrétiser le développement à travers la reformulation du projet associatif. C’est-à-dire que le travail que l’on fait aujourd’hui va maintenant passer par un travail d’écriture dans la mesure où il faut faire un véritable projet associatif de Rebonds!, de manière à décliner et à expliciter les valeurs que l’on partage, mais qu’il faut encore pouvoir mettre en exergue. Il faut aussi que l’on finalise et valide le projet stratégique de l’association pour les années à venir. Aujourd’hui, nous nous sommes déployés sur le Gers, l’Ariège et l’Hérault et il y a des projets qui pourraient se mettre en place dans le Gard. Dans un avenir plus lointain on peut se poser la question du Tarn et du Tarn et Garonne mais nous n’en sommes pas encore là.
Ce qui a été surprenant dans le développement de l’Hérault, c’est la rapidité avec laquelle tout s’est enchaîné. C’est certainement en lien avec la personnalité du porteur de projet, qui a très vite investi le territoire. Les besoins ont été repérés et pris en compte par les différentes institutions de l’Hérault. Les actions ont réellement commencé en octobre 2017 et en 2019, nous avons déjà 3 salariés : le coordinateur territorial, un éducateur socio-sportif, une coordinatrice sociale et l’équipe est renforcée par un jeune homme en service civique volontaire. Financièrement, c’est aussi un lieu où nous n’avons pas eu trop de difficultés à mobiliser nos interlocuteurs pour obtenir des subventions, ce qui est véritablement le nerf de la guerre. On se rend compte que s’il n’y a pas de porteur de projet en direct sur le territoire, c’est compliqué de mettre nos projets en œuvre. On a d’ailleurs eu l’exemple avec le département de l’Aude.
Rebonds! a également investi le territoire de Blagnac de façon plus conséquente cette année par l’intermédiaire d’une éducatrice socio-sportive qui coordonne un projet de médiation par le sport en partenariat avec la Mairie de Blagnac.
Depuis fin janvier, le programme PASSE (Parcours Accompagnement Social Sport Emploi) a démarré. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
C’est un projet soutenu par l’Europe qui est le gros chantier de l’année en matière d’insertion professionnelle, qui va devoir être accompagné, analysé pour voir les suites qui vont pouvoir y être données. L’objectif est de remobiliser des jeunes de 16 à 25 ans, ni en emploi, ni en formation, en utilisant le sport comme support. Une équipe dédiée au programme a été recrutée et nous espérons que cette action sera un succès aussi bien en 2019, que dans les années futures.
Le mot de la fin ?
Je ne dois pas oublier de souligner l’engagement des hommes et des femmes qui ont construit Rebonds! depuis 2004. Merci à eux de me faire vivre aujourd’hui cette formidable aventure.