» Au contact  » n°19 – Laura Ferré

Bonjour Laura, pour introduire ce nouveau numéro « Au Contact », peux-tu tout d’abord nous parler de ton histoire avec l’association ?

J’ai découvert l’association Rebonds! en tant que joueuse de rugby, au club du Blagnac Rugby féminin. Beaucoup d’éducateurs et d’éducatrices socio-sportifs qui travaillaient au sein de l’association étaient également des joueurs/joueuses ou des entraîneurs à Blagnac. C’est comme cela que j’ai pu découvrir les actions de l’association, tout d’abord en y participant en tant que bénévole, notamment lors de l’organisation des tournois des écoles, puis après en tant que service civique.

 

En t’engageant dans ce service civique, quelles ont été tes premières missions ?

Je me suis engagée dans ce service civique en tant qu’éducatrice socio-sportive pour l’association. Je ne pouvais pas intervenir dans les écoles par ce statut, mais j’intervenais auprès de publics en situation de handicap, de DITEP (Dispositif Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique) et de classes SEGPA en temps péri et extrascolaire.

 

En débutant par un service civique, tu t’es engagée en tant qu’éducatrice socio-sportive pour finalement aboutir à un poste de chargée de projet, comment s’est déroulée cette continuité au sein de Rebonds! ?

J’ai effectué ce service civique pendant un an dans le but de préparer un BPJEPS Activités Physiques pour Tous avec une mention dans le handicap. J’ai continué en tant que bénévole pour l’association Rebonds! pendant un an et j’ai ensuite décroché un CDI en 2019. Ce premier contrat m’a propulsée sur un poste d’éducatrice socio-sportive et à la fois en tant que « responsable d’un projet », celui de l’Essai au Féminin. Ce dernier me tient particulièrement à cœur, j’en parlerai au fur et à mesure de cette interview. J’ai ensuite récupéré le projet Médiation par le Sport à Blagnac, qu’Audrey Abadie (ancienne salariée de Rebonds!) avait jusqu’alors, de janvier 2021 jusqu’à mon départ en 2023.

 

Peux-tu justement nous parler du projet Médiation par le Sport en collaboration avec la Ville de Blagnac ?

Je m’étais déjà largement intéressée à ce projet, notamment grâce à mon BPJEPS Multisport. En effet, j’avais envie de ne plus me consacrer uniquement au rugby, mais aussi de me diriger vers plusieurs sports. Ce projet m’intéressait car, finalement, il rassemblait plusieurs projets phares de Rebonds!. Ça a donc été une superbe opportunité pour moi : j’ai pu piloter un projet, d’autant plus qu’il s’agissait du premier projet multisport de Rebonds!.

Ce programme a été monté en partenariat avec le PEDT (Projet Éducatif De Territoire) et la réussite éducative de la ville de Blagnac, les écoles primaires, le service jeunesse et le service des sports. Il est financé par la politique de la ville et la réussite éducative. Nous, les éducateurs, avons également participé à l’écriture du contrat de ville. Tout en étant autonomes, nous devions aussi remplir les objectifs éducatifs de la ville définis au préalable.

C’est donc un projet véritablement transversal, avec une collaboration étroite entre tous les partenaires. Nous nous retrouvions toujours autour d’une table pour tenter de définir les besoins en fonction des problématiques de chaque jeune.

 

Tu l’as dit, ce projet Médiation par le Sport rassemble de nombreux projets phares de Rebonds! comme l’Essai au Féminin, le Projet Insertion Rugby et les Rebonds du Mercredi. Comment se déroulaient ces différents programmes ?

Les cycles éducatifs se déroulent au sein de quatre écoles : Weidknnet, René Cassin, Les Prés et Les Perséides. Je réalisais, de mon côté, les séances de multisport les lundis et jeudis soir (hors vacances scolaires). Je récupérais les enfants à l’école, et nous faisions différentes activités sportives autour du multisport, les parents venaient ensuite les récupérer au sein du QPV.

Ensuite, tous les mardis soirs, je me chargeais de l’Essai au Féminin en allant chercher les filles dans les écoles pour jouer au rugby.

Les Rebonds du Mercredi, comme leur nom l’indique, se déroulent les mercredis après-midi hors vacances scolaires, en lien avec des structures périscolaires. Nous récupérons les jeunes au centre de loisirs avec un éducateur spécialisé de la ville, ce qui nous permet de rassembler des jeunes de toutes les écoles de Blagnac autour d’activités multisports. Le nombre de places est limité afin de mettre en place un accompagnement éducatif adapté aux jeunes. Pour cela, les éducateurs organisent de nombreuses réunions afin de cibler les besoins des jeunes, notamment en lien avec des problématiques variées (comportementales, de santé, d’hyperactivité, de décrochage scolaire, etc.).

De plus, il y avait toute la gestion du projet à assurer : bilans, comptes rendus, création de liens avec les partenaires… J’avais aussi des rendez-vous avec le service des sports, le service de la politique de la ville et le service jeunesse pour favoriser la transversalité entre tous les acteurs. Un véritable dialogue quotidien s’est instauré avec l’ensemble des partenaires.

Enfin, pendant les vacances scolaires, j’organisais des stages et des séjours éducatifs, soit en lien avec la ville, soit en lien avec l’antenne de Toulouse, afin de créer du lien entre les jeunes de Toulouse et ceux de Blagnac.

 

Parle-nous du rôle d’éducateur socio-sportif : utiliser le sport comme un outil éducatif, comment décrirais-tu les spécificités de ce métier ?

C’est un levier pour que l’on puisse travailler auprès des publics et des jeunes sur différentes problématiques, notamment tout ce qui entoure leur parcours de vie. Pour moi, c’est vraiment un métier qui nécessite aussi de l’encadrement, avec plus de diversité d’offres de formations, parce qu’aujourd’hui, nous apprenons à devenir éducateur socio-sportif sur le terrain. Il me semble que ce métier peut nous permettre d’accompagner de plus en plus de jeunes et de les amener vers quelque chose de positif, parce qu’on se retrouve souvent dans des situations où, à l’école, ça ne va pas, ainsi que dans des domaines où il y a beaucoup de règles à respecter. Alors que, quand on emmène les jeunes au club de sport, ça se passe très bien. Ils sont à l’écoute et les règles sont respectées. On voit qu’il y a un impact sur leur parcours de vie.

Le problème est qu’il manque de formations en France, je crois qu’il n’existe que trois types de spécialités dans l’éducation spécialisée dans le sport. Développer de la formation en tant qu’éducateur socio-sportif est aujourd’hui primordial, car c’est selon moi un outil auquel il faut forcément être formé !

 

Tu as parlé d’Audrey, qui occupait donc ce poste avant toi et qui est aujourd’hui éducatrice spé à Blagnac. Quels étaient vos liens durant ces années ? Et comment s’est déroulé ce passage de témoin ?

Audrey Abadie et moi jouions au rugby ensemble à Blagnac. Quand je suis arrivée à Rebonds!, elle faisait partie des premières éducatrices femmes à Rebonds! et elle tenait le projet de l’EAF. J’ai donc beaucoup appris de sa façon de travailler, parce que j’aimais beaucoup comment elle travaillait avec les jeunes. Quand elle est partie à Blagnac, elle m’a passé le flambeau du projet EAF, un projet qui veut dire beaucoup pour moi, donc qui m’a tenu à cœur.

Quand elle m’a parlé de la Médiation sociale par le sport à Blagnac, elle me voyait bien sur ce projet-là, moi qui, en plus, connaissais bien Blagnac. Elle m’a donc facilité la tâche et m’a accompagnée avec Benjamin Couette (ancien coordinateur terrain). Cela m’a permis d’être vraiment bien intégrée. Audrey, elle, est rentrée très vite à la ville de Blagnac et nous avons pu collaborer, notamment sur les Rebonds du mercredi. Ce fut un plaisir de travailler avec elle !

On est également parties en séjour, ce qui a permis aux jeunes d’avoir un lien assez facilitant entre Audrey et moi, les deux éducatrices. Nous travaillons ensemble, nous sommes toujours amies et toujours au club. Nous ne nous sommes jamais lâchées !

 

Le projet « Médiation par le Sport » a permis d’organiser de nombreux cycles éducatifs avec des jeunes blagnacais. Comment avez-vous suivi leur évolution et quels étaient vos liens avec ces jeunes ?

Dans mon suivi social, j’avais 20 jeunes, que je n’avais pas forcément en même temps. Il y a eu les années Covid, et j’avais beaucoup de grands (CM1-CM2-6ᵉ). Cependant, les grands, à partir de 12 ans, ne pouvaient plus rentrer dans le gymnase (s’ils n’étaient pas vaccinés). Nous nous sommes donc dirigés vers des plus jeunes, toujours avec le dispositif « Rebonds du mercredi » (ciblés même jusqu’aux grandes sections de maternelle), et cela nous permettait d’avoir un suivi dans la durée afin de mener de la prévention.

Il y a des jeunes que j’ai eu au début des Rebonds du mercredi, qui avaient 6 ans, et que j’ai accompagnés jusqu’à l’âge de 8-9 ans. Aujourd’hui, alors que je suis partie, ils sont toujours dans le suivi social Rebonds!. Cela nous permet de voir une vraie évolution, de créer un vrai lien avec les familles et de les voir grandir au fur et à mesure. C’était positif de les avoir jeunes et de pouvoir vraiment faire de la prévention, qui est un axe majeur à Blagnac.

J’ai eu pas mal de fratries. Audrey Abadie a eu les très grands, que j’ai eu un petit peu, puis après les moyens, puis les plus petits. Une relation de confiance s’est vraiment établie avec les familles. Ce qui était pratique également, c’était d’avoir eu la maison de quartier pour pouvoir faire des rendez-vous et que les familles soient dans un environnement qu’elles connaissaient déjà.

Parce qu’à l’origine, ils ne me connaissaient pas, j’étais une personne étrangère. Pouvoir faire le lien dans des endroits de droits communs, à l’école ou au centre de loisirs, facilite le premier contact et la création du lien social avec les familles.

 

Que penses-tu de ton profil de sportive ? Est-ce que tu penses qu’il t’apporte des ressources supplémentaires dans ta vie pro comme privée ?

Je pense que le rugby est un sport qui détient les mêmes valeurs que celles de Rebonds! : Fair-play et Coopération. Ces deux valeurs que je partageais déjà depuis très jeune, c’étaient donc des valeurs qui faisaient déjà partie intégrante de ma vie, j’ai donc de suite compris le sens de Rebonds!, pourquoi on était là. Je n’ai pas fini de donner pour l’association et pour les valeurs qui sont transmises par le rugby en club et dans l’association Rebonds! Ce sont des valeurs qui me sont propres, dont je me sers et que je retranscris dans mon travail comme dans ma vie privée. D’abord, j’ai joué au rugby, j’ai été animatrice, et puis je me suis dit qu’allier les deux serait super. Ici, c’est un endroit où les deux se mêlent, en plus de pouvoir créer ce volet social. Je suis quelqu’un qui aime aussi beaucoup apporter aux gens, être dans l’entraide, c’était donc une évidence, je dirais, et le service civique m’a permis de redécouvrir cela et de voir grandir l’association Rebonds!. Pour moi, déjà, il y a le dépassement de soi, il y a la cohésion d’équipe… Le sport, et notamment le terrain, est un espace de socialisation : chacun peut y trouver sa place, s’y voir, être valorisé pour finalement gagner en confiance.

 

Quel a été ton plus beau souvenir ou ta plus belle réussite dans cette œuvre associative ?

L’essai au Féminin est le projet qui m’a le plus marquée. Quand je jouais au rugby, il n’y avait pas d’équipe féminine, c’était qu’à partir de 15 ans. Aujourd’hui, quand on anime des séances d’EAF au sein des quartiers, les participantes ont le sourire, et les parents les regardent avec la satisfaction de se dire que leur fille fait du rugby. Grâce à ce sport, elles s’expriment et s’imposent sur le terrain. Je les vois après évoluer en club, j’ai un exemple type : il y a des filles que j’ai connues grâce à l’EAF et que je coache aujourd’hui en sénior à Blagnac, elles ont 18 ans, elles veulent rentrer en médecine. J’ai quelques exemples de parcours aussi, ça me rend heureuse de voir autant de jeunes filles s’épanouir dans le rugby alors qu’il y a quelques années c’était un peu tabou. Aujourd’hui, le rugby est aussi un outil pour ces filles-là pour pouvoir s’exprimer, pour pouvoir s’imposer sur le terrain. Quand on voit les tournois EAF qui passent de 200 bénéficiaires à 400 en quelques années, pour moi, ça c’est une réussite. C’est vraiment un projet qui me tient à cœur. Je vois le sport féminin se développer également, par exemple à Blagnac je vois le foot féminin qui est en plein essor, le basket aussi, ça fait plaisir de voir que ces sports sont aujourd’hui accessibles et développés, pas seulement pour les hommes.

 

Que retiens-tu de ton passage à Rebonds! et quelles sont tes perspectives pour l’avenir ?

Ce que je retiens en 6 ans à Rebonds!, c’est l’ampleur et l’évolution de l’association. Quand je suis arrivée, nous étions très peu, c’était l’année où Montpellier se déployait à peine, avec l’arrivée de Pierre Bellemere (ancien responsable territorial). Rebonds! s’est donc très rapidement développée : le nombre de salariés, la diversité des projets… Cela donne envie d’y rester même quand on n’y travaille plus. C’est pour cela que j’adhère toujours et que je participe à cette œuvre associative en tant que bénévole. Il y a des personnes marquantes à Rebonds! que je remercierai toute ma vie : Jules, qui a eu confiance en moi parce que je suis arrivée sans diplôme, c’était un peu exceptionnel. Sanoussi aussi. Toutes les personnes que j’ai pu connaître, les coordinateurs que l’on a eu, toutes les personnes qu’on a pu rencontrer. Aujourd’hui, grâce à Rebonds!, j’ai tissé des liens avec des personnes qui font partie de ma vie. Des jeunes, et des familles également que je côtoie toujours, chez qui je vais manger, chez qui je suis invitée et la bienvenue. C’est quelque chose qui me marque profondément de voir le lien que l’on peut créer avec les familles au-delà de la sphère professionnelle. C’est un métier qui dépasse le professionnel dans sa dimension sociale.

 

Tu as parlé du développement de l’asso qui s’est déroulé en peu de temps, quelles sont aujourd’hui tes perspectives pour Rebonds ?

L’axe formation va se développer, notamment sur le socio-sport au niveau national avec le collectif Impact Social par le Sport où Sanoussi Diarra (fondateur de Rebonds!) est engagé. Je pense que Rebonds! est en train de pérenniser ses actions et de les évaluer, et d’après moi, cette dimension est primordiale. La force de Rebonds! c’est son agilité : créer et mettre en place des projets toujours au plus près des bénéficiaires et des besoins des territoires.

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